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Résultats sondage national : les luxembourgeois·es veulent des économies d’énergie et de ressources

CELL / Léonard Andersen

13 min de lecture

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30 April 2025

Résultats sondage national sur la sobriété : les luxembourgeois·es veulent des économies d’énergie et de ressources

 

La sobriété est définie par le GIEC comme un ensemble de mesures et de pratiques qui évitent la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en assurant le bien-être humain pour tous dans les limites planétaires. Elle complète un triptyque de la transition énergétique aux côtés de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Le GIEC a souligné l’importance de l’écart qu’il y a entre les politiques nationales et le potentiel réel de sobriété. D’autres entités comme le conseil consultatif scientifique européen ou encore l’agence internationale de l’énergie appellent à renforcer l’approche de la sobriété. Toujours selon le GIEC, elle est indispensable pour faire face aux trois crises environnementales (climat – biodiversité – pollution).

C’est un levier d’action qui nous offre d’importantes marges de manœuvre, sous-utilisé aujourd’hui. Sa mise en œuvre relève du bon sens dans de nombreux cas – quel processus ne cherche pas à réduire sa consommation d’énergie pour un résultat donné ? – mais elle peut aussi être associée à une augmentation des contraintes, à la réduction et la notion de limite. Autant d’aspects moins sexy, dans des sociétés de consommation où la richesse, et par extension la distinction sociale, ont pour corrélation directe la consommation énergétique [1].

CELL a souhaité connaître les dispositions de la population du Luxembourg vis-à-vis de la sobriété avec un sondage national réalisé avec Quest. Quels bénéfices potentiels ? Quelles craintes et quels doutes ? Quels acteurs concernés et quelles actions de ces acteurs ? Comment l’acceptabilité de certaines mesures est perçue ? Où sont les no-go ? Où sont les marges de manœuvre ? Si la sobriété est une thématique particulière, ce sondage renseigne l’ensemble du champ écologique. Les résultats sont synthétisés en 3 leçons et 4 focus, viennent ensuite des résultats complémentaires.

 

3 leçons principales du sondage

Leçon 1 – la population considère qu’une diminution de la consommation d’énergie et de ressources est nécessaire

 

79% de la population souscrit totalement ou en partie à la nécessité de réduire notre consommation d’énergie et de ressources. Il y a 20% de réfractaires ou de personnes non convaincues par cette nécessité. Il s’agit d’un plébiscite assez large de la sobriété qui donne une assise pour approfondir son champ d’application dans les politiques publiques nationales et communales mais aussi dans les entreprises et parmi les habitants. Seuls 15% des mesures du Plan National Énergie (Climat), document principal pour la stratégie environnementale, traitent de la sobriété. Le sondage, au contraire, confirme que la population adhère à la nécessité d’économiser énergie et ressources. Pour rappel durant la consultation citoyenne du Klima-Biergerrot, plus de 80% des mesures sollicitées comprenaient de la sobriété [2]. Nous appelons donc à un approfondissement des politiques de sobriété avec des mesures thématiques (mobilité, résidentiel, tertiaire, industrie), un suivi d’indicateurs dédiés et des objectifs clairs. Le scénario énergétique CLEVER offre un bon aperçu du levier d’action et des mesures potentielles [2].

 

Leçon 2 – Un frein principal identifié pour la mise en œuvre de la sobriété : le doute que la majorité des consommateurs soit prête à réduire sa consommation

 

Un frein se détache particulièrement : les sondé·es doutent que la majorité des consommateur·rices soit prête à réduire sa consommation. On peut mettre en perspective cela avec un biais déjà bien identifié par la littérature : nous sous-estimons les comportements et les dispositions favorables des autres individus à agir contre le réchauffement climatique. Les études démontrent au contraire que les populations sont plus favorables que l’image qu’elles ont d’elles-mêmes. Ce défaitisme biaisé est contreproductif. Nous avons moins tendance à passer à l’acte quand on pense être minoritaire. Remédier à ce biais pourrait augmenter significativement les efforts. Cette thématique est reprise à l’échelle mondiale dans un récent article du Guardian [3]. Une étude récente a démontré ce mécanisme sur plusieurs thématiques au Luxembourg (alimentation, politique énergétique, mobilité etc.). Par exemple, 65% des sondé·es disent soutenir une politique énergétique pour le logement volontariste et accompagnée mais à la question de savoir quelle part de la population selon eux supportait une telle mesure, ce chiffre tombait à seulement 45% [4]. Notre travail consiste donc à réduire cet écart. Oui, nous sommes majoritaires à être prêt à faire évoluer nos comportements et à vouloir des politiques plus volontaristes.

 

Leçon 3 – la population compte sur les pouvoirs publics et demande à être mieux guidée

 

Les pouvoirs publics sont majoritairement sollicités, avec une responsabilité d’autant plus importante que l’échelle de décision est globale. L’Union Européenne est principalement ciblée, ce qui peut correspondre logiquement à la part conséquente de cette instance dans l’écriture des lois et réglementations transposées au Luxembourg. Concernant les organes de concertation mondiale, cette préoccupation peut être mise en parallèle avec le verbatim des sondés qui souligne qu’un volontarisme luxembourgeois, voire européen, n’a de sens que si l’ensemble des acteurs mondiaux se joint à l’effort. Si l’effet de serre n’a pas de frontière, les politiques nationales d’adaptation ou encore les mesures de protection de la biodiversité ont par contre des impacts locaux. Les acteurs locaux sont d’ailleurs sollicités, que ce soit le gouvernement ou les communes. Les sondés en appellent également aux entreprises et aux consommateur·rices pour accélérer la transition.

 

4 focus

Focus 1 – Les bénéfices de la sobriété principalement attendus sur la biodiversité, le climat et la santé

Les bénéfices touchant à la biodiversité, le risque climatique et la santé sont majoritairement cités devant notamment les bénéfices socio-économiques potentiels.

 

Focus 2 – Les entreprises sont attendues en matière de réparation, la durée de vie des produits et les économies de ressources

 

 

Il y a un net plébiscite vis-à-vis des entreprises concernant la durée de vie des objets et la réparation. Si les directives européennes se succèdent et font avancer le droit à la réparation, il reste encore beaucoup à faire pour proposer une offre de réparation accessible, compétitive et pratique, garantir l’accès aux pièces détachées, diminuer l’obsolescence tant matérielle, logicielle, culturelle et diminuer en général le rythme de renouvellement des équipements. Un gain également pour le portefeuille du consommateur. Des initiatives comme l’indice de réparabilité [5], les bonus réparation, la promotion d’appareils durables et réparables ou encore la sanction de l’obsolescence programmée  devraient pouvoir répondre à ces attentes.

 

Focus 3 – Soutenir, Sensibiliser, exiger : recommandations de leviers à l’adresse des pouvoirs publics

 

 

La population suggère de manier tantôt la carotte et tantôt le bâton tout en souhaitant éviter aux citoyen·nes des lois plus restrictives. À noter que l’acceptabilité sociale des mesures environnementales peut être augmentée si elles sont accompagnées d’un soutien spécifique. Toujours selon l’étude citée plus haut, sur six propositions de mesures (ex. : taxe locative mauvaise isolation, régulation sur la viande rouge, rationnement énergies fossiles etc.) aucune ne recueille un soutien au-delà de 50%. Mais quatre d’entre elles dépassent ce seuil dès lors que des mesures d’accompagnement sont mises en place [6]. D’où l’importance d’un accompagnement adéquat et d’une pédagogie, sans lesquelles des mesures resteront impopulaires, considérées injustes ou incomprises.

 

Focus 4 – Une population prête à changer sur plusieurs comportements de consommation mais moins sur la mobilité

 

S’il ne faut pas prendre ces déclarations au pied de la lettre (la diminution de la consommation de viande est souvent sondée positivement alors que la consommation effective n’a pas diminué sur la dernière décennie), voici une prise de température des domaines sur lesquels la population est susceptible de changer. Les comportements de consommation semblent les plus susceptibles d’évoluer (alimentation, vêtements, achats), ainsi que le confort thermique. Sur la mobilité les réticences sont les plus fortes, que ce soit sur l’usage de la voiture, dont le Luxembourg est en première place en Europe au niveau du nombre de voiture pour 1 000 habitants, ou sur l’aviation de loisir. C’est pourtant là que se joue une part conséquente de nos émissions de CO2. Entre confort et statut social, il semble difficile de pouvoir faire avancer la sobriété sur ce domaine. Le succès de la récente voie dédiée au covoiturage et aux transports en commun ouverte sur l’A3 sera un bon indicateur à observer.

 

Résultats complémentaires

Un décalage très important entre la perception de l’impact de son ménage et l’impact réel

 

 

82% des sondés se considèrent comme ayant un impact environnemental modéré ou faible voire minimal. Cette auto-qualification diffère fortement de l’impact réel des ménages habitant au Luxembourg. L’overshoot day du Luxembourg est le deuxième pire score derrière le Qatar, les émissions de CO2 par habitant du pays sont les plus hautes pour un pays de l’Union Européenne [7]. La question portait sur le ménage et non pas sur l’impact de la société luxembourgeoise dans son ensemble. Le biais en jeu pourrait être que chacun se considère plus vertueux que la moyenne et à tendance à minimiser son impact.

 

La sobriété, un concept encore peu connu

 

 

Le concept de sobriété (Suffizienz in deutscher Sprache, sufficiency en anglais) est encore peu connu parmi les résidents du Luxembourg. Il semble encore limité à la sphère politique et culturelle dans laquelle il s’est développé. Il ajoute pourtant une dimension absente des deux autres axes de la transition énergétique et beaucoup plus connus du grand public que sont l’efficacité énergétique (les étiquettes de performance que l’on retrouve pour l’électroménager par exemple) et les énergies renouvelables. Les éco-gestes et les appels à la réduction de la consommation, qui traitent de réduction et contribue à la sobriété, sont eux aussi rentrés dans les pratiques. Ces gestes, comme le symbolique « éteindre la lumière », s’ils sont nécessaires, restent limités dans leur portée, insuffisants, et la sobriété apporte une approche plus systémique et impactante, en allant au-delà de la responsabilisation individuelle.

L’usage du concept n’a pas été simple à utiliser pendant la phase d’enquête , il apparaît comme peu connu encore. Nous ne nous focalisons pas sur les mots, et le jargon peut être contre-productif. Nous n’imposons pas l’usage du mot « sobriété » comme une fin en soi, et nous l’utiliserons dans les contextes qui s’y prêtent, en espérant contribuer à son usage plus large.

 

Une diversité de freins identifiés au sein du ménage

 

 

Une trilogie dominante de barrières externes

 

 

Verbatim

Après les chiffres, les mots. Voici une sélection du verbatim recueilli lors du sondage. Un des points récurrents concerne la nécessité d’exemplarité des pouvoirs publics, de la classe politique, mais aussi des classes les plus privilégiées, sans laquelle les réductions des consommations ne sauraient être acceptées par le reste de la population.

 

Conclusion : appel à un approfondissement des mesures de sobriété

CELL est positivement surpris d’une adhésion assez large à la nécessité de réduire nos consommations de ressources et d’énergie. Il y avait un risque sur le résultat au moment de lancer le sondage. C’est donc un espoir et aussi une nécessité vis-à-vis du principal doute exprimé : réduire le biais de perception que les individus ont du reste de la société et accompagner la société vers la neutralité et la durabilité. La sobriété nous donne des marges de manœuvre supplémentaires, accélère la transition et réduit les coûts de celle-ci, apporte des bénéfices socio-économiques et trouve sa pertinence dans les enjeux multiples auxquels l’Europe doit faire face [8].

Nous invitons donc le gouvernement à en prendre la mesure, à approfondir son usage comme décrit plus haut. Aujourd’hui, les émissions de gaz à effet de serre ont des objectifs de réduction, nous suggérons aussi de fixer un objectif de réduction de l’empreinte matérielle. Une comptabilité qui prendrait en compte l’ensemble de l’impact, national mais aussi celui issu des importations de l’étranger. C’est aujourd’hui plus de 60% des émissions de CO2 qui ne rentrent pas dans les calculs [8]. Si cela peut s’expliquer pour des questions de méthodologie, cet angle mort doit être dépassé.

Le secteur privé trouvera également des inspirations pour rencontrer les demandes des consommateur·rices. Nous continuons pour notre part à faire avancer la sobriété au niveau national et communal et à évaluer son potentiel pour le Luxembourg. CELL continuera d’apporter de nouveaux développements sur le sujet.

Les résultats détaillés : Link

Quellen:

[1] https://ourworldindata.org/grapher/energy-use-per-person-vs-gdp-per-capita

[2] https://clever-energy-scenario.eu/wp-content/uploads/2023/10/CLEVER_final-report.pdf p.33

[3] https://www.theguardian.com/environment/2025/apr/22/spiral-of-silence-climate-action-very-popular-why-dont-people-realise?CMP=Share_iOSApp_Other

[4] https://meco.gouvernement.lu/dam-assets/assets-luxembourg-strategie/soc2050-final-report-022024.pdf

[5] à noter le site oekotopten.lu au Luxembourg, ou encore l’indice de réparabilité en France qui est directement affichée en magasin et dont les études montrent qu’il a impacté le choix des consommateurs vers des produits plus réparables

[6] https://meco.gouvernement.lu/dam-assets/assets-luxembourg-strategie/supports-presentations-260923.pdf p.26

[7] https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-dans-l-union-europeenne/

[8] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6474294#titre-bloc-23

[9] Moindre dépendance aux importations fossiles, plus de résilience face aux chocs et volatilités, baisse du coût de la transition (notamment les infrastructures), baisse des impacts socio-économiques, atteinte plus rapides des objectifs climatiques – https://eeb.org/wp-content/uploads/2024/03/sufficiency_manifesto.pdf

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