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Mesures gouvernementales liées à la crise sanitaire : le virus de la division

Dernière mise à jour : 1 févr. 2022

Alors que la société luxembourgeoise a rarement été aussi divisée, les nouvelles mesures prises par le gouvernement et entrées en vigueur le 15 janvier dernier pour tenter d’enrayer la crise sanitaire du Covid-19, inquiètent particulièrement CELL. Ces mesures vont entraîner des dégâts collatéraux visiblement sous-estimés, que ce soit sur le plan social, psychologique ou pédiatrique. En tant qu’association inclusive œuvrant pour la transition écologique et sociétale, CELL appelle aujourd’hui au dialogue, à l’acceptation de la diversité et à l’esprit d’inclusion.

People walking in a commercial area with sanitary masks on
Photo created by freepik.com

L'humain, un individu profondément social

Selon l’OMS, la santé est « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». La santé est donc un état global où les indicateurs liés au Covid sont à prendre en compte, à côté d’autres indicateurs comme la souffrance et le désespoir partagés par une très grande partie de la population, dus à l’absence de liens et d’échanges réels, à l’isolement, ou encore à l’absence de perspectives.


La manière parfois anxiogène dont certains médias traitent l’information, les décisions des gouvernements prises de manière unilatérale et brutale, incohérente et sans concertation avec la société civile, sans considérer à leur juste mesure les dégâts psychologiques, sociaux, pédiatriques... amènent les citoyen·nes à s’isoler, se méfier et se refermer sur eux·elles-mêmes.


Nous déplorons le fait que nos gouvernant·es cherchent des coupables, pointent du doigts les citoyen·nes en opposant les bon·nes et les mauvais·es, les gentil·les et les méchant·es, les pour ou les contre… et fracturent la société par leurs décisions. Après presque deux années de gestion de crise et de dégradation de nos liens sociaux, on n’a plus qu’un souvenir lointain de ces mots du grand penseur Edgar Morin au début de cette crise, « (...) le virus nous rappelle à notre humanité et à notre condition d'êtres profondément sociaux, inséparables les uns des autres »1.


Comme l’affirme l’association Kokopelli, qui se consacre à la protection de la biodiversité alimentaire et médicinale, nous pensons qu’« il appartient à chaque être humain de choisir librement et sans contrainte son alimentation et sa médecine ». En tant que mouvement de la Transition, nous ne souhaitons pas nous positionner sur la question de ce choix. Nous souhaitons interpeller sur nos domaines d’expertise, notamment :

  • L’absence de considération de la crise environnementale, cause de la crise sanitaire, et d’une planification d’une gestion sur le court, moyen et long terme afin de prévenir d’autres crises ;

  • Les conséquences sociales de la crise sanitaire, amenant à une division de la société, de plus en plus polarisée.

Nous souhaitons l’inclusion et le respect des individus, des citoyen·nes quel·les qu’iels soient. Cessons de chercher des coupables au sein de la société civile, quand « les seuls coupables sont les facteurs qui ont contribué à l’émergence et diffusion de cet agent infectieux à l’échelle de la planète »2. (Alice Desbiolles, épidémiologiste et médecin de Santé Publique)


Un enjeu écologique majeur


Le rapport de l’IPBES Workshop Report on Biodiversity and Pandemics of the Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services indique que « ce sont les mêmes activités humaines qui sont à l'origine du changement climatique, de la perte de biodiversité et, de par leurs impacts sur notre environnement, du risque de pandémie. Les changements dans la manière dont nous utilisons les terres, l'expansion et l'intensification de l'agriculture, ainsi que le commerce, la production et la consommation non durables perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune sauvage, le bétail, les agents pathogènes et les êtres humains. C'est un chemin qui conduit droit aux pandémies. »3 Il est donc essentiel d’aller à la racine de ces problèmes et non de traiter les symptômes à la surface.

Notre défi est de répondre à des enjeux écologiques et climatiques de grande ampleur. Des défis auxquels nous devons répondre ensemble. Tou·tes ensemble.


Selon Barbara Stiegler, professeure de philosophie politique à l’université de Bordeaux et auteure de De la démocratie en pandémie, « le Covid-19 n’est qu’un épisode parmi d’autres de la crise écologique. Des événements similaires risquent de se reproduire à l’avenir, avec la dégradation des écosystèmes et le réchauffement climatique. Il faut donc dès maintenant les anticiper, réfléchir à la manière dont nous souhaitons les surmonter, démocratiquement et non sur un mode autoritaire. »4

Ne nous trompons pas de combat. Développons nos consciences sur les enjeux écologiques, sociaux, économiques, éducationnels, et sociétaux liés à la crise sanitaire. Interrogeons-nous sur nos modes de vie et construisons des politiques cohérentes, engagées dans la transition écologique.


People holding each other in solidarity
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Un débat pour libérer la parole


Afin de pouvoir commencer à répondre à ces défis tou·tes ensemble, nous demandons l’ouverture d’un débat sociétal. Notre société a d’urgence besoin d’un espace de libération de la parole, où chacun·e puisse s’exprimer sans violence, dans l’écoute mutuelle. Nous demandons au gouvernement avec l‘appui de toutes les forces vives du pays, de créer des espaces d‘échange et de co-construction, grâce à des outils d’intelligence collective et de la communication non-violente. Ces espaces impliquent également de rétablir la confiance à tous les niveaux, sans menaces ni chantage mais grâce au dialogue bienveillant, à une politique qui se mette au servicede la population, à l’évaluation des dispositifs mis en place et à travers l’inclusion. C’est de cette manière que nous trouverons des pistes de solutions, qui seront adoptées sur base d’un consentement éclairé. Car, ne l’oublions pas, l’enjeu de la participation citoyenne, que nous voulons véritable et honnête et que nous mettons au cœur de nos pratiques, est de permettre des transformations rapides et conséquentes de la société.


Notre société possède toutes les capacités et les outils nécessaires pour mener ce débat sociétal plutôt que de subir l’affrontement d’opinions. Acceptons l’altérité et la divergence de points de vue comme une force et une richesse. Développons notre capacité à comprendre sans forcément être d’accord, à élargir notre réalité sans forcément se perdre dans la diversité.

Au début de cette pandémie, il y a presque deux ans, l’écrivaine et militante indienne Arundhati Roy tentait d’éclairer : « Historiquement, les pandémies ont forcé les humains à rompre avec le passé et à imaginer leur monde à nouveau. Celle-ci n'est pas différente. C'est un portail, une passerelle entre un monde et l'autre. Nous pouvons choisir de le franchir en traînant derrière nous les carcasses de nos préjugés et de notre haine, notre avarice, nos banques de données et nos idées mortes, nos rivières mortes et nos cieux enfumés. Ou nous pouvons la traverser avec légèreté, avec peu de bagages, prêts à imaginer un autre monde. Et prêts à nous battre pour lui. »5


A ce moment-là de nombreuses personnes imaginaient ce nouveau monde. Deux ans de gestion anxiogène ne laissent plus beaucoup d’imagination à personne. C’est cette imagination qu’il faut tenter de rétablir. Reprendre confiance en notre capacité d’imaginer nous permettra aussi de dépasser nos peurs et de ne pas gaspiller notre précieuse énergie avec les mauvaises questions, comme par exemple la recherche d’un coupable externe sur lequel on projette nos malaises tout en pensant s’en libérer. La traversée du portail, dont parle Arundhati Roy, ne se fera pas seul·e, mais ensemble, en toute légèreté et en toute confiance, avec la créativité de chacun·e.

Illustration de la ville Esch-Belval couverte de vert et de vie
Eng Äerd (Real: Tom Alesch, prod: CNA/CELL 2020) Compositing: Joost de Geyter

La transition, passerelle vers une société et un monde résilients


La transition écologique et sociétale peut apporter des réponses à ces crises majeures auxquelles notre humanité va probablement devoir encore être confrontée. La nature et l’évolution holistique et systémique sont nos principales sources d’inspiration de CELL et du mouvement de la transition. Depuis ses débuts, notre association accompagne des pratiques de résilience nées au sein de groupes de citoyen-nes, dans le but d’activer et de nourrir les connexions entre les êtres vivants et les lieux qu’ils habitent.


La construction d’un monde plus résilient passe aussi par la redécouverte de nos liens : entre les individus d’un territoire, entre l’être humain et la nature, entre les responsabilités de tou·tes les protagonistes de la société…. En reconnectant les individus entre eux, pour imaginer ensemble leur futur et en leur donnant les moyens d’agir (p.ex. en formant une coopérative énergétique ou un jardin communautaire), CELL reconstruit le lien qui s’est souvent perdu dans nos territoires. En redonnant du sens au mot « communauté », par l’action collective et solidaire, CELL porte des projets à impact positif dont le but est de lutter contre la crise climatique, sanitaire et sociétale.

Ce faisant, CELL invite le gouvernement et l’ensemble des acteurs de la société civile de notre pays à:

  • Contribuer à l’apaisement de la société en créant un espace de dialogue pour permettre à tou·tes les citoyen·nes de s’exprimer sans violence et dans le respect mutuel ;

  • Tenir compte des valeurs d’inclusivité et d’ouverture dont notre pays a besoin pour relever les défis sociétaux actuels plutôt que de mettre en place des mesures qui ne feront qu’accentuer les divisions au sein de la population ;

  • Sortir du cadre strictement sanitaire de la gestion du Covid-19 et prendre davantage en considération les dommages collatéraux engendrés par la crise tant sur le plan de la santé mentale et psychologique, que sur le plan sociétal ;

  • Offrir un cadre sécurisant qui permette de préserver la santé mentale et physique de l’ensemble des citoyen·nes sans distinction ;

  • Se positionner face aux défis écologiques et sociétaux engendrés par la crise sanitaire.

Nous continuons de croire en l’opportunité que représente cette crise, une opportunité individuelle et collective majeure pour agir en conscience vers la construction d’une société plus éthique, plus démocratique, plus autonome et plus respectueuse du Vivant sous toutes ses formes.


Communiqué de presse CELL et Transition Minett , asbl


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1 E. Morin, Changeons de voie: les leçons du coronavirus, Denoël, 2020

2 A. Desbiolles, épidémiologiste et médecin de Santé Publique, interview sur Europe 1, 05/01/2022

4 B. Stiegler, De la démocratie en pandémie, 2021, Gallimard

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