Un jardin-forêt (Bëschgaart, en luxembourgeois) a vu le jour récemment dans le jardin communautaire de Mersch. Il s’agit du tout premier jardin-forêt au Luxembourg planté par des citoyens! Et CELL va en réaliser d'autres cette année. Quel est l'intérêt de planter des jardins-forêts au Luxembourg? Pourquoi ce système est-il une clé de la lutte contre le dérèglement climatique? Quels sont les bénéfices de cette culture très facile à réaliser? On vous explique.
A l'automne 2022, une trentaine d’arbres et arbustes ont été plantés sur un espace de 300 m² dans le jardin communautaire de Mersch. Il s’agit du tout premier jardin-forêt planté par des citoyens au Luxembourg! CELL et la commune de Mersch accompagnent et soutiennent le projet géré par le CTF Mersch.
Le jardin-forêt c'est quoi? Il s'agit tout simplement de réaliser, dans un jardin, une "imitation" de la forêt, avec des arbres et des plantes de différentes hauteurs ainsi que des espèces comestibles. Comme dans la forêt, on va planter au même endroit des végétaux de différentes hauteurs :
• des arbres au niveau de l’étage supérieur (pommier, poirier, merisier...)
• des arbustes au niveau de l’étage intermédiaire (groseillier épineux, framboisier, amélanchier...)
• des plantes basses au niveau de l’étage inférieur (fraisiers des bois, achillée millefeuille, consoude...)
Le jardin-forêt, un allié précieux face à la déforestation
Le jardin-forêt forme ainsi un écosystème stable en tendant vers le climax (état naturel théorique vers lequel tendent sol, végétation et faune en un point donné) spécifique du Luxembourg, qui repose essentiellement ? sur la forêt de hêtres. Le jardin agroforestier apporte de nombreux bénéfices, notamment par rapport au dérèglement climatique, ceci grâce :
• Au stockage du CO2 dans le sol et dans la biomasse
• A l’amélioration de l’infiltration et du stockage de l’eau dans le sol
• A la protection du sol de l’érosion liée au vent, au soleil et à la pluie
• A la création d’habitat pour la flore, la faune et la micro-faune
• Au recyclage des nutriments et à l’apport de matières organiques
• A la résistance face aux aléas climatiques extrêmes
Face à la déforestation - et elle n’a pas lieu que dans la forêt amazonienne ou dans le bassin du Congo mais également ici au Luxembourg, comme au Bobësch - si chaque citoyen.ne luxembourgeois.e plantait 2 arbres, nous aurions plus d’un million de jeunes arbres sur le territoire. Bien que cela ne remplace pas les services écosystémiques fournis par une forêt ancienne, les bénéfices écologiques d’une telle action seraient importants. Un jardin-forêt communautaire est donc une action clé pour lutter contre le derèglement climatique.
Et ce ne sont pas ses seuls atouts ! La forêt comestible permet également de travailler de manière naturelle et d’obtenir une production, et, une fois plantée, nécessite peu d’effort et d’entretien.
Les autres atouts du jardin-forêt
1. Travailler de manière naturelle
Ce concept s’inspire fortement des modes de vie des peuples premiers qui vivent de façon harmonieuse avec la forêt. Et, il y a 14 000 ans en Asie du Sud-Est, lorsque nous étions cueilleurs, nous vivions également dans la forêt.
La faune et la flore sauvages sont intégrées globalement, dès la conception du jardin-forêt. Le sauvage n’est pas seulement un endroit au fond du jardin. Il fait partie du jardin. C’est donc une manière de partager justement la Terre entre les êtres vivants et de favoriser la présence d’une diversité de niches écologiques.
2. Obtenir sa propre production
La production du jardin-forêt est principalement composée de fruits, de fruits à coques et de légumes-feuilles comme l’ortie, le chou sauvage ou encore l’ail des ours.
Les plantes du potager classique sont rarement adaptées car la plupart ont besoin de beaucoup de lumière, comme les courgettes ou les haricots. Mais pas de panique ! Même si aujourd’hui les 2/3 de l’alimentation mondiale repose sur 9 aliments, les êtres humains ont consommé jusqu’à 6000 espèces de plantes et il n’est pas trop tard pour lutter contre la perte de la biodiversité cultivée et pour adopter une nourriture plus variée et plus riche. Et oui, les plantes sauvages et vivaces sont en moyenne plus riches en protéines, vitamines et minéraux car elles n’ont pas fait l’objet de sélections comme les plantes annuelles.
3. Soigner la conception du jardin-forêt
Une conception réfléchie en amont de son jardin-forêt permet d’avoir une production variée tout au long de l’année. Avant d’entretenir et de pouvoir récolter, les étapes clés pour créer un jardin agroforestier sont, comme en permaculture, l’observation et la conception.
L’analyse du contexte (sol, température, vent, ensoleillement, eau, flore, faune, soi…) permet d’identifier les végétaux adaptés au terrain d’accueil. Ensuite, le choix et l’agencement entre les végétaux prend en compte plusieurs paramètres comme la gestion de l’espace, l’évolution dans le temps, l’échelonnage des récoltes ou encore la gestion de la lumière et leurs complémentarités.
Une fois la conception réalisée, il ne reste plus qu’à planter ! Attention à le faire à la bonne période. Pour les arbres, l’idéal est de les planter fin novembre, comme le dit l’adage : « A la Sainte-Catherine, tout bois prend racine ».
4. Le jardin-forêt demande peu d’efforts et d’entretien
En lien avec l’agriculture naturelle du non-faire et du non-agir de Masanobu Fukuoka, précurseur de la permaculture, le jardin-forêt invite à réaliser le moins d’actions possibles :
• Plus besoin de semer car la majeure partie des plantes sont vivaces
• Plus besoin de tondre (et combien de fois par an tondez-vous la pelouse ?;) )
• Plus besoin de désherber
• Pas besoin de travailler le sol (en permaculture le travail du sol est déjà grandement réduit)
• Moins besoin d’apport de compost
• Moins besoin de lutter contre les ravageurs de culture car les auxiliaires sont présents
Ainsi, pour un jardin-forêt de 100 m², cela demandera en moyenne 1 à 3 heures d’entretien par… mois ! En fonction des envies et du temps disponibles, il est possible de créer un jardin-forêt adapté à ses facultés et au temps que nous pouvons y consacrer, qui demandera plus ou moins d’entretien.
CELL, les citoyen.nes et les actions futures
Dans le cadre du projet Polynatur, CELL accompagnera la création de jardin-forêt au travers de workshops. Nous espérons voir une dizaine de jardins-forêts, petits ou grands, fleurir au Luxembourg dans les 3 années à venir !
Des ateliers sont déjà en cours d’élaboration en partenariat avec l’asbl Silva Edulis à Godrange (Junglinster), qui porte un projet de jardin-forêt depuis plusieurs années sur un terrain de 1 ha! Cette année, nous espérons également planter un jardin-forêt en partenariat avec le CTF d’Hesperange le long de l’Alzette.
Nous vous communiquerons les dates des prochains ateliers de plantation de jardin-forêt dans la newsletter de CELL, et sur le site web www.eisegaart.lu
Bibliographie et références:
Créer un jardin-forêt. Une forêt comestible de fruits, légumes, aromatiques et champignons au jardin, Patrick Whitefield. Ed. Imagine Un Colibri, 2002.
La Forêt-jardin. Créer une forêt comestible en permaculture pour retrouver autonomie et abondance, Martin Crawford. Ed. Ulmer, 2017.
Vivre avec la Terre. Manuel des Jardiniers-Maraîchers. Tome II Cultures vivrières et forêts-jardins, Perrine et Charles Hervé-Gruyer. Ed. Actes Sud / Ferme du Bec Hellouin, 2019.
Forest Gardening, Robert Hart, Ed. Chelsea Green Publishing, White River Junction, 1996.
L’appel gourmand de la forêt, Linda Louis. Ed. La Plage 2011.
Edible Forest Gardens. Vol. I Ecological vision and theory for temperate climate Permaculture. Vol. II Ecological Design and Practice for temperate climate permaculture, Dave Jacke and Eric Toensmeier. Ed. Chelsea Green Publishing, 1999.
Cuisiner pour le plaisir, le sautres et la planète. La cuisine végétale, zéro déchet et éthique, Tom Hunt. Ed. Ulmer, 2020.
Introduction à la permaculture, Bill Mollison. Ed. Passerelle Eco, 2013.
Film La Jungle étroite, Benjamin Hennot - Jardin de Mouscron
Plants for a future : Edible & Useful Plants for a Healthier World, Ken Fern. Ed. Permanent Publications, 1997.
Forêt comestible & haie fruitière, créer un jardin nourricier multi-étagé, Antoine Talin, Ed. Ulmer 2021.